Michel Chiha, Éditorialiste

Issa GORAIEB Éditorialiste de L’Orient-Le JourVisionnaire de tous les matins

Qu’on n’y voie pas le seul effet de la déformation professionnelle, mais de toutes les facettes de l’immense personnage que fut Michel Chiha, un homme qui allia en lui le banquier et le poète, l’homme politique et l’essayiste, c’est bien le journaliste - et plus précisément l’étincelant éditorialiste - qui, le plus, force l’admiration du galérien de la plume signant ces quelques lignes.

Michel Chiha n’a pas seulement vu naître le Liban du Mandat, puis indépendant ; il a aidé à le façonner, et pas seulement en participant à la rédaction de la Constitution. OEuvrant en solo cette fois, au fil de son abondante œuvre éditoriale dans les colonnes du quotidien Le Jour, il n’a cessé de faire part à ses lecteurs des immenses espoirs, mais aussi des légitimes soucis que lui inspiraient les premiers pas de ce jeune État pourtant chargé de millénaires d’histoire. En matière de politique intérieure comme d’économie, il en a inlassablement guidé le parcours, attentif aux obstacles parsemant sa route. Autant que les essais et conférences de Michel Chiha, cette somme monumentale d’articles aura façonné et véhiculé ce qui est bien davantage qu’une certaine idée du Liban: une véritable doctrine, que se seront pieusement transmis des générations entières de Libanais.

Pays de mer et de montagne, le Liban est aussi un pays tout à la fois d’Europe et d’Asie, n’hésitera-t-il pas à écrire, une patrie ouverte à tout un éventail de cultures, appartenant également à tous ses enfants, proclamant son droit à la vie et croyant plus que jamais à sa raison d’être, à sa vocation. Mer et montagne: fréquente dans les écrits de Chiha est l’évocation de ces deux composantes essentielles, jumelles, interactives, de l’ADN libanais. Autant en effet les sommets libanais ont fait office de pôle d’attraction, de refuge, de sanctuaire pour les minorités, autant la grande bleue a alimenté l’incessante quête de grands espaces d’un peuple qui se sent trop à l’étroit dans son minuscule territoire.

Avec un bon demi-siècle d’avance sur les gouvernements européens, Michel Chiha se fait l’ardent avocat d’une Mare Nostrum où règneraient des rapports de bon voisinage, de coopération, d’amitié entre les nations riveraines. Ce qui pouvait, à l’époque, passer pour une utopie a commencé à prendre forme, même si la paix est encore loin de régner dans la région. Et c’est précisément sur ce terrain qu’avec la tragédie de la Palestine, le rêveur de génie se révèle être en fait un visionnaire animé tout à la fois d’une prescience quasiment prophétique, d’une sereine lucidité, d’un implacable réalisme.

Alors que maints éminents personnages dans les mondes de la politique, de la presse et même de la religion étaient plus ou moins ouvertement favorables à la création d’un foyer juif au coeur d’une région massivement musulmane, ce chrétien du Mont-Liban a vu venir en effet, avec une stupéfiante précision, les retombées catastrophiques qu’aurait sur notre petit pays, sur l’Orient et même sur le Globe tout entier, la naissance de l’État d’Israël, qu’il qualifie d’énorme erreur de la politique internationale. Des décennies après, ses éditoriaux publiés en rafale demeurent d’une saisissante actualité. Dans notre voisinage immédiat, met-il en garde très tôt, se développe une des questions les plus angoissantes du monde. Non content d’invoquer la morale pour dénoncer l’odieuse spoliation qui va s’abattre sur le peuple palestinien, c’est aux lois immuables de la géopolitique qu’il a recours pour prédire une longue ère de guerres régionales, de dangerpermanent, de haines sans fin engendrant à leur tour des crises planétaires.

 

Singulière, en vérité, est l’épreuve qui, à chaque rendez-vous avec son lecteur, guette tout éditorialiste. De celui-ci on attend indistinctement qu’il analyse l’évènement, qu’il l’explique, qu’il en énumère les causes et répercussions, mais aussi qu’il alerte l’opinion sur des questions d’intérêt général occultées par le flot de l’actualité quotidienne, qu’il distribue aux responsables, selon leurs mérites, fleurs et taloches. Toutes ces gageures, Michel Chiha les aura brillamment tenues, servi qu’il était par une clairvoyance hors pair, l’extrême variété des disciplines qu’il maîtrisait et une plume d’une incomparable élégance. Il aura même réussi un véritable tour de force en amenant régulièrement ses lecteurs à la réflexion, à la méditation, choisissant pour cet exercice le jour du Seigneur. On reste ébahi ainsi devant la profondeur philosophique - mais aussi la grande fluidité - de ses réflexions que ne venait alourdir en effet aucune pédanterie, devant la calme fermeté d’une foi dénuée de toute religiosité.

Jusqu’à dans ce genre des plus acrobatiques, dont peu de journalistes d’ailleurs se hasarderaient à tâter, Michel Chiha nous aura appris que s’il est une chose que dolt absolument éviter un éditorial, c’est de verser dans le prêchi-prêcha.

Michel Chiha, Éditorialiste

Issa GORAIEB Éditorialiste de L’Orient-Le JourVisionnaire de tous les matins

Qu’on n’y voie pas le seul effet de la déformation professionnelle, mais de toutes les facettes de l’immense personnage que fut Michel Chiha, un homme qui allia en lui le banquier et le poète, l’homme politique et l’essayiste, c’est bien le journaliste - et plus précisément l’étincelant éditorialiste - qui, le plus, force l’admiration du galérien de la plume signant ces quelques lignes.

Michel Chiha n’a pas seulement vu naître le Liban du Mandat, puis indépendant ; il a aidé à le façonner, et pas seulement en participant à la rédaction de la Constitution. OEuvrant en solo cette fois, au fil de son abondante œuvre éditoriale dans les colonnes du quotidien Le Jour, il n’a cessé de faire part à ses lecteurs des immenses espoirs, mais aussi des légitimes soucis que lui inspiraient les premiers pas de ce jeune État pourtant chargé de millénaires d’histoire. En matière de politique intérieure comme d’économie, il en a inlassablement guidé le parcours, attentif aux obstacles parsemant sa route. Autant que les essais et conférences de Michel Chiha, cette somme monumentale d’articles aura façonné et véhiculé ce qui est bien davantage qu’une certaine idée du Liban: une véritable doctrine, que se seront pieusement transmis des générations entières de Libanais.

Pays de mer et de montagne, le Liban est aussi un pays tout à la fois d’Europe et d’Asie, n’hésitera-t-il pas à écrire, une patrie ouverte à tout un éventail de cultures, appartenant également à tous ses enfants, proclamant son droit à la vie et croyant plus que jamais à sa raison d’être, à sa vocation. Mer et montagne: fréquente dans les écrits de Chiha est l’évocation de ces deux composantes essentielles, jumelles, interactives, de l’ADN libanais. Autant en effet les sommets libanais ont fait office de pôle d’attraction, de refuge, de sanctuaire pour les minorités, autant la grande bleue a alimenté l’incessante quête de grands espaces d’un peuple qui se sent trop à l’étroit dans son minuscule territoire.

Avec un bon demi-siècle d’avance sur les gouvernements européens, Michel Chiha se fait l’ardent avocat d’une Mare Nostrum où règneraient des rapports de bon voisinage, de coopération, d’amitié entre les nations riveraines. Ce qui pouvait, à l’époque, passer pour une utopie a commencé à prendre forme, même si la paix est encore loin de régner dans la région. Et c’est précisément sur ce terrain qu’avec la tragédie de la Palestine, le rêveur de génie se révèle être en fait un visionnaire animé tout à la fois d’une prescience quasiment prophétique, d’une sereine lucidité, d’un implacable réalisme.

Alors que maints éminents personnages dans les mondes de la politique, de la presse et même de la religion étaient plus ou moins ouvertement favorables à la création d’un foyer juif au coeur d’une région massivement musulmane, ce chrétien du Mont-Liban a vu venir en effet, avec une stupéfiante précision, les retombées catastrophiques qu’aurait sur notre petit pays, sur l’Orient et même sur le Globe tout entier, la naissance de l’État d’Israël, qu’il qualifie d’énorme erreur de la politique internationale. Des décennies après, ses éditoriaux publiés en rafale demeurent d’une saisissante actualité. Dans notre voisinage immédiat, met-il en garde très tôt, se développe une des questions les plus angoissantes du monde. Non content d’invoquer la morale pour dénoncer l’odieuse spoliation qui va s’abattre sur le peuple palestinien, c’est aux lois immuables de la géopolitique qu’il a recours pour prédire une longue ère de guerres régionales, de dangerpermanent, de haines sans fin engendrant à leur tour des crises planétaires.

 

Singulière, en vérité, est l’épreuve qui, à chaque rendez-vous avec son lecteur, guette tout éditorialiste. De celui-ci on attend indistinctement qu’il analyse l’évènement, qu’il l’explique, qu’il en énumère les causes et répercussions, mais aussi qu’il alerte l’opinion sur des questions d’intérêt général occultées par le flot de l’actualité quotidienne, qu’il distribue aux responsables, selon leurs mérites, fleurs et taloches. Toutes ces gageures, Michel Chiha les aura brillamment tenues, servi qu’il était par une clairvoyance hors pair, l’extrême variété des disciplines qu’il maîtrisait et une plume d’une incomparable élégance. Il aura même réussi un véritable tour de force en amenant régulièrement ses lecteurs à la réflexion, à la méditation, choisissant pour cet exercice le jour du Seigneur. On reste ébahi ainsi devant la profondeur philosophique - mais aussi la grande fluidité - de ses réflexions que ne venait alourdir en effet aucune pédanterie, devant la calme fermeté d’une foi dénuée de toute religiosité.

Jusqu’à dans ce genre des plus acrobatiques, dont peu de journalistes d’ailleurs se hasarderaient à tâter, Michel Chiha nous aura appris que s’il est une chose que dolt absolument éviter un éditorial, c’est de verser dans le prêchi-prêcha.

Michel Chiha, Éditorialiste

Issa GORAIEB Éditorialiste de L’Orient-Le JourVisionnaire de tous les matins

Qu’on n’y voie pas le seul effet de la déformation professionnelle, mais de toutes les facettes de l’immense personnage que fut Michel Chiha, un homme qui allia en lui le banquier et le poète, l’homme politique et l’essayiste, c’est bien le journaliste - et plus précisément l’étincelant éditorialiste - qui, le plus, force l’admiration du galérien de la plume signant ces quelques lignes.

Michel Chiha n’a pas seulement vu naître le Liban du Mandat, puis indépendant ; il a aidé à le façonner, et pas seulement en participant à la rédaction de la Constitution. OEuvrant en solo cette fois, au fil de son abondante œuvre éditoriale dans les colonnes du quotidien Le Jour, il n’a cessé de faire part à ses lecteurs des immenses espoirs, mais aussi des légitimes soucis que lui inspiraient les premiers pas de ce jeune État pourtant chargé de millénaires d’histoire. En matière de politique intérieure comme d’économie, il en a inlassablement guidé le parcours, attentif aux obstacles parsemant sa route. Autant que les essais et conférences de Michel Chiha, cette somme monumentale d’articles aura façonné et véhiculé ce qui est bien davantage qu’une certaine idée du Liban: une véritable doctrine, que se seront pieusement transmis des générations entières de Libanais.

Pays de mer et de montagne, le Liban est aussi un pays tout à la fois d’Europe et d’Asie, n’hésitera-t-il pas à écrire, une patrie ouverte à tout un éventail de cultures, appartenant également à tous ses enfants, proclamant son droit à la vie et croyant plus que jamais à sa raison d’être, à sa vocation. Mer et montagne: fréquente dans les écrits de Chiha est l’évocation de ces deux composantes essentielles, jumelles, interactives, de l’ADN libanais. Autant en effet les sommets libanais ont fait office de pôle d’attraction, de refuge, de sanctuaire pour les minorités, autant la grande bleue a alimenté l’incessante quête de grands espaces d’un peuple qui se sent trop à l’étroit dans son minuscule territoire.

Avec un bon demi-siècle d’avance sur les gouvernements européens, Michel Chiha se fait l’ardent avocat d’une Mare Nostrum où règneraient des rapports de bon voisinage, de coopération, d’amitié entre les nations riveraines. Ce qui pouvait, à l’époque, passer pour une utopie a commencé à prendre forme, même si la paix est encore loin de régner dans la région. Et c’est précisément sur ce terrain qu’avec la tragédie de la Palestine, le rêveur de génie se révèle être en fait un visionnaire animé tout à la fois d’une prescience quasiment prophétique, d’une sereine lucidité, d’un implacable réalisme.

Alors que maints éminents personnages dans les mondes de la politique, de la presse et même de la religion étaient plus ou moins ouvertement favorables à la création d’un foyer juif au coeur d’une région massivement musulmane, ce chrétien du Mont-Liban a vu venir en effet, avec une stupéfiante précision, les retombées catastrophiques qu’aurait sur notre petit pays, sur l’Orient et même sur le Globe tout entier, la naissance de l’État d’Israël, qu’il qualifie d’énorme erreur de la politique internationale. Des décennies après, ses éditoriaux publiés en rafale demeurent d’une saisissante actualité. Dans notre voisinage immédiat, met-il en garde très tôt, se développe une des questions les plus angoissantes du monde. Non content d’invoquer la morale pour dénoncer l’odieuse spoliation qui va s’abattre sur le peuple palestinien, c’est aux lois immuables de la géopolitique qu’il a recours pour prédire une longue ère de guerres régionales, de dangerpermanent, de haines sans fin engendrant à leur tour des crises planétaires.

 

Singulière, en vérité, est l’épreuve qui, à chaque rendez-vous avec son lecteur, guette tout éditorialiste. De celui-ci on attend indistinctement qu’il analyse l’évènement, qu’il l’explique, qu’il en énumère les causes et répercussions, mais aussi qu’il alerte l’opinion sur des questions d’intérêt général occultées par le flot de l’actualité quotidienne, qu’il distribue aux responsables, selon leurs mérites, fleurs et taloches. Toutes ces gageures, Michel Chiha les aura brillamment tenues, servi qu’il était par une clairvoyance hors pair, l’extrême variété des disciplines qu’il maîtrisait et une plume d’une incomparable élégance. Il aura même réussi un véritable tour de force en amenant régulièrement ses lecteurs à la réflexion, à la méditation, choisissant pour cet exercice le jour du Seigneur. On reste ébahi ainsi devant la profondeur philosophique - mais aussi la grande fluidité - de ses réflexions que ne venait alourdir en effet aucune pédanterie, devant la calme fermeté d’une foi dénuée de toute religiosité.

Jusqu’à dans ce genre des plus acrobatiques, dont peu de journalistes d’ailleurs se hasarderaient à tâter, Michel Chiha nous aura appris que s’il est une chose que dolt absolument éviter un éditorial, c’est de verser dans le prêchi-prêcha.