L’ingénierie pédagogique: un luxe ou une nécessité ?

photo de  Dr Carméline Assaf Faculté de Pédagogie 2 Université LibanaiseL’ingénierie pédagogique:

un luxe ou une nécessité ?

 

 

INTRODUCTION

Nul n’ignore de nos jours les problèmes économiques, sociaux, politiques, écologiques et autres dont souffrent tous les habitants de la planète à des degrés différents. Et nul ne fait la sourde oreille ni ne ferme les yeux sur les changements qui s’opèrent dans le monde à tous les niveaux: des entreprises qui licencient leurs employés et qui mettent leurs clefs sous la porte, d’autres,qui naissantes et pleines d’espoir dans l’avenir,qui offrent des emplois et recrutent les jeunes diplômés ; d’autres, enfin, bien enracinées dans le pays,qui perdurent et continuent leur implantation dans des régions différentes grâce à leur personnel qualifié et compétent.
"Le niveau de compétence et la qualité de la main-d’oeuvre feront de plus en plus la différence dans la course aux débouchés sur un marché mondialisé" (Bureau International du Travail-BIT- 1999). Cette affirmation nous pousse à réfléchir, à nous demander pourquoi cet engouement actuel pour la compétence qui fait que beaucoup d’entreprises, dans des domaines différents, investissent dans la formation continue de leurs employés, quelle relation cela a-t-il avec la compétitivité et quel est le rôle joué par l’ingénierie pédagogique dans cette perspective?
"Compétence" et "compétition", qui ont une même racine latine "competentia", sont deux éléments indispensables, non seulement pour faire perdurer toute entreprise, mais aussi pour l’élever au premier rang parmi les autres. En effet, il ne suffit pas de faire mieux que les autres, mais aussi de le faire avant les autres.
Une société capable, non seulement de suivre le progrès et les changements, mais aussi d’anticiper ce progrès et d’être à l’affût de tout changement, peut s’imposer et continuer à se développer. Une société, capable de s’adapter rapidement et en permanence grâce à un personnel qualifié et en formation continue perpétuelle, une société qui lance des produits nouveaux avec un bon rapport qualité-prix, est capable d’assurer sa longévité, d’étendre son hégémonie sur le marché, d’imposer sa pérennité, de créer des emplois, de participer à la bonne marche de la roue économique, ce qui influe positivement sur le niveau de vie dans le pays et au bien-être général.
Ainsi, le recours à l’ingénierie pédagogique paraît, dans cette perspective, un choix délibérément lucide à ne pas négliger. Pour montrer le rôle important de cette discipline, nous essaierons, tout d’abord, de la définir ; ensuite, nous parlerons de l’objectif qu’elle s’est fixé et, enfin, nous montrerons comment elle procède pour l’atteindre.

1- Définition de l’ingénierie pédagogique
Le mot "ingénierie" est issu de l’anglais "engineering" et acquiert d’emblée le sens dynamique et complexe de "processus de...". Il est introduit en formation par le biais de la formation professionnelle des adultes et s’impose de plus en plus en didactique dans des acceptions comme: ingénierie éducative, ingénierie pédagogique, ingénierie de projet, ingénierie linguistique (industries de la langue), etc.

L’ingénierie repose sur les trois fonctions fondamentales de l’ingénieur: la conception, la réalisation et le contrôle (ou l’évaluation, en didactique, car l’objet [apprentissage ou formation] est humain et non pas un objet scientifique ou technologique).
L’ingénierie pédagogique est "l’ensemble des principes, des procédures et des tâches qui permettent de définir le contenu d’une formation au moyen d’une identification structurelle des connaissances et des compétences visées, de réaliser une scénarisation pédagogique des activités d’un cours définissant le contexte d’utilisation et la structure des matériels d’apprentissage et, enfin, de définir les infrastructures, les ressources et les services
nécessaires à la diffusion d’un cours et au maintien de leur qualité"
(Gilbert PAQUETTE, 2002, PUQ).
En formation comme en didactique, l’ingénierie est donc le processus de mise en oeuvre d’un dispositif pédagogique de formation adapté et optimisé. Ce processus comporte trois composantes fondamentales et complémentaires: la conception, la réalisation et le contrôle ou l’évaluation.

2- Objectif de l’ingénierie pédagogique
Avant de parler de cet objectif, et pour mieux le comprendre, il nous faut répondre à tois questions. Quelle différence existe-t-il entre "être compétent" et "avoir des compétences"? Que signifie l’expression "agir avec compétence"? Quelle différence y a-t-il entre un "professionnel débutant", un "professionnel confirmé" et un "expert"? Quelles sont les "ressources" que peut mobiliser un professionnel pour agir avec compétence?
- « Etre compétent »
C’est être capable de choisir et de mettre en oeuvre des pratiques professionnelles pertinentes et efficaces. C’est être capable d’agir et de réussir dans les diverses situations professionnelles qui peuvent se présenter dans un métier ou un emploi. C’est être capable d’organiser et de mobiliser les ressources en combinatoires pertinentes pour gérer les situations professionnelles en prenant en compte les "critères de réalisation" qui y sont liés. Le choix de pratiques professionnelles à mettre en oeuvre et les combinatoires des ressources à mobiliser font l’objet d’un "guidage" de la part de l’acteur.
- « Avoir des compétences »
C’est avoir des "ressources" personnelles et externes pour agir avec compétence. C’est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour être reconnu comme "étant compétent". Il n’est pas suffisant qu’une personne ait des compétences (qu’elle possède des ressources) pour être compétente.
Une personne peut avoir des ressources/des compétences mais ne pas savoir les combiner et les activer en situation de travail. Dans ce cas, elle peut être considérée comme "savante", mais non pas comme "compétente": elle ne sait pas agir avec compétence.
- « Agir et réussir avec compétence »
N’est-ce pas au fond ce que cherchent les entreprises et les organisations? Pouvoir compter sur des employés qui sachent agir avec compétence, et non seulement qui aient des compétences, qui puissent réunir, de façon cohérente, un ensemble de conditions favorables pour maximiser la probabilité d’agir et de réussir avec compétence dans telle ou telle situation de travail? Pour maximiser cette probabilité, un ensemble de leviers sur lesquels des décisions peuvent être prises, concernent tant le savoir que le pouvoir et le vouloir agir.
Le processus "agir et réussir avec compétence" fait apparaître deux notions qu’il importe de préciser: celle de "situation professionnelle" et celle de "guidage". La situation professionnelle est la réalisation d’une activité prescrite grâce à des critères pertinents mis en oeuvre par le professionnel, et le guidage des ressources et des pratiques est l’ensemble des opérations de pilotage qui rendent les critères mis en oeuvre pertinents. On distingue quatre types de guidage: le guidage émotionnel, le guidage cognitif, le guidage selon les règles professionnelles et le guidage éthique.

Les trois axes de la compétence du professionnel

  • Axe des ressources personnelles et externes auxquelles il doit faire appel pour agir: "Je dispose des ressources nécessaires pour agir par rapport aux situations de travail relevant de mon métier".
  • Axe de l’action contextualisée, c’est-à-dire de la pratique professionnelle et de ses résultats ou performances. Le professionnel compétent doit savoir agir en situation: "Je sais agir et réussir avec compétence dans telle ou telle situation".
  • Axe de la prise de recul, c’est-à-dire qu’un professionnel doit, non seulement savoir agir, mais aussi être en mesure de comprendre et d’expliquer comment et pourquoi il agit de telle façon plutôt que d’une autre, de mettre en évidence comment il s’y prend pour réussir: "Je sais décrire, expliquer et analyser comment et pourquoi je m’y prends de telle façon dans telle situation".

 

Les trois niveaux de professionnalisme (Le Boterf, 2006: 101-105)

Le professionnel débutant :

Demarche-mode d'intervention

Context-ualizaion des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-vision partielle d'une situation;

-diffuculté à distinguer l'essentiel de l'accessoire s'attarde aux details d'un énoncé, d'un problème;

-faible tri des informations;

 

-généraux et peux context-ualisés

-connaît mal ses potentialités et les utilisations possibles de ses resources; ne sait pas toujours à quoi ses connaissances peuvent servir;

-organize ses connaissances

-en appren-tissage

-faible autonomie

-application des règles formelles;

-forte utilisation des règles d'entraîne-ment.

-incer-taine;

-en pleine constru-

ction

recher-che de modèle.

-peu fiable mais réussites ponctue-les.

-fonctionne par tâtonnement, essais et erreurs;

-progression pas à pas et analytique;

-peu ou pas de recours à l'intuition;

-forte référence à des règles et procédures générales indépendamment du contexte.

 

davantage en function de l'énoncé d'un problème que de schèmes mémorisés;

-saviors fragmentaires;

-en reste à la structure superficielle des problèmes;

-faible capacité à utiliser ses connaissances en temps opportun

 

 

 

 

  • Le professionnel confirmé: (maîtrise professionnelle)

Demarche-mode d'intervention

Contex-tualisation des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-stratégies d'etude et de resolution de problèmes;

-sait decider ce qu'il doit faire pour atteindre un objectif;

-sait prendre des decisions raisonnées en function d'un diagnostic et d'un objectif;

-vision globale et cohérente des situations;

-confiance limitée en l'intuition; se fie aux methods d'analyse;

-adapte les règles à un contexte.

-contex-tualisés.

-bonne connaissance de ses saviors, capacités et competences.

-maîtrisée

-autonomie;

-sait interpreter les règles;

-simplification ou abandon progressif des règles d'entraîne-mnt

-confiance en ses capaci-tés et connais-sances

-fiabilité

  • L’expert

Demarche-mode d'intervention

Contex-Contex-tualisation des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-réagit de façon intuitive et globale sans se referrer explicitement aux règles de la profession; voit directement ce qu'il faut faire; ne calcule pas sa réponse; sait faire face de façon immediate aux

-trés contextu-alisés

-très rapidem-ent mobilisa-bles.

-se référe à une heuristique (se rapportant à une typologie de problèmes ou de situations);

-organise ses connaissances à partir de schemes, de modèles d'analyse,de

-peut agir très vite mais

sait choisir les rythmes adéqu-ats;

-non seu-lement réagit mais anticipe;

-totale: peut en fixer les limites;

-sait donner de nouvelles interpréta-tions aux règles;

Abandon des

-très congru-ente;

-connaît les poin-ts forts et les limites de son exper-tise;

-confia-nce en soi, aisance,

- trés grande régula-rité de la compét-ence.

évé nement; agit de façon spontanée; sait court-circuiter les étapes d'une procedure, faire des impasses; forte capacité d'intuition et d'insight;

-ne recourt aux demarches, aux règles et procédures  habituelles qu'en situation inhabituelle de rupture ou degrade;

-se fie advantage à des approches de structure qu'à la recherché des details;

-forte capacité de reconnaissance de formes;

-met en oeuvre des strategies globales plutôt qu'analytiques; vision synthétique;

-sépare l'essentiel de l'accessoire; fait l'économie d'informations;

-anticipe à partir de signaux faibles;

-sait se prononcer dans une conjuncture.

 

<<patterns>>, de <<theories d'action>>;

- organize ses connaissances en blocs relies entre eux et faciles à mobiliser;

-a su developer des méta-connnaissances qui lui permettent de mieux savoir mettre en cause ses saviors;

-connaît les utilize-tions multiples des resources (saviors,capacités…)

qu'il possède;

-forts automatismes et savoir-faire incorporés;

-capacité à savoir le bon moment de mise en oeuvre de ses connaissances.

-immé-diatem-ent opérat-oire;

Rapidité d'exécut-ion;

-aisance

Règles d'entraîne-ment;

-prend des risques à titre personnel

aplomb

-sait gérer son image.

 

 

Que sera donc l’OBJECTIF de l’ingénierie pédagogique ?


«Former des professionnels confirmés, capables d’agir

et de réussir avec compétence dans différentes situations professionnelles.»


3- Comment l’ingénierie pédagogique y parvient-elle ?
En respectant certaines règles d’or dont les suivantes:

  • disposer d’un référentiel de compétences requises pour identifier les besoins de compétences ;
  • considérer que les besoins de formation sont les ressources (personnelles et externes) qui peuvent être acquises par la formation et qui sont nécessaires pour agir avec compétence ;
  • concevoir et mettre en oeuvre des dispositifs permettant aux apprenants d’acquérir des ressources et de s’entraîner à les combiner et à les mobiliser pour agir avec compétence ;
  • faire correspondre l’évaluation de la formation aux objectifs opérationnels des actions de formation ;
  • élaborer un "cahier des charges" spécifique qui devra être pris en compte pour élaborer et réaliser le programme pédagogique correspondant ;
  • veiller à ce que les décisions de formation soient pertinentes, cohérentes, prises en temps opportun et formulées en termes d’objectifs généraux des compétences visées.

En suivant les cinq phases suivantes:

Première phase d’analyse
Cette première phase consiste en une analyse préliminaire de la demande de formation, une identification globale du travail de conception à accomplir:

  • les besoins ou les enjeux de formation (stratégique: préparer l’avenir; tactique: accompagner le changement; opérationnelle: favoriser l’apprentissage) découlant d’une identification des compétences requises et des compétences réelles du personnel ;
  • les caractéristiques du public: nombre de personnes concernées par cette formation (moins de 5 personnes, de 5 à 20 personnes, de 20 à 100 personnes, plus de 100 personnes), leurs compétences réelles ;
  • les moyens du projet: les ressources humaines (pilote du projet, consultants formateurs, experts de contenu, ingénieur pédagogue, intégrateur informaticien), les ressources techniques (Techniques de l’Information et de la Communication en Education- les TICE), les contraintes spatiotemporelles, techniques, économiques/financières.

Deuxième phase de conception
Cette phase vise à formaliser les données de la phase d’analyse en projet pédagogique ou en cahier des charges (Référentiel contractuel partagé par le prestataire et l’équipe interne ou le bénéficiaire, ce qui en fait un outil fondamental de communication du chef de projet).
Les éléments de la phase de conception:

  • Les compétences sont transformées en objectifs d’apprentissage opérationnels (performances) qui obéissent à quatre critères importants: l’univocité, le comportement observable, mesurable, évaluable, les conditions et les critères.
  • Les stratégies pédagogiques: s’agit-il d’une action (un stage) ou d’un dispositif de formation (ensemble de stages coordonnés) ? Il s’agit aussi de choisir le cadre spatiotemporel et technologique de la formation. Si la formation concerne moins de 5 personnes, la question de la conception ne se pose pas. Par contre, si le nombre de personnes dépasse les 5, deux cas de figure sont envisageables selon le tableau suivant:

Les moyens pédagogiques: (ou médias d’apprentissage) regroupent les techniques (exposé, test, brainstorming, jeu de rôle, simulation, tutorat…),
les outils et les supports (manuel, transparent, visioconférence, cours en ligne, forum, didacticiel...) associés aux situations (en présenciel, à distance, en face-à-face, en sousgroupe, en situation de travail…).

 

5 à 20 personnes

20 à 100 personnes

Plus de 100 personnes

Action de formation

1 à 5 jours

5 à 10 jours

Plus de 10 jours

Dispositive de formation

2 à 8 jours

8 à 20 jours

Plus de 20 jours

 

Troisième phase de développement
Elle concerne la construction des outils et supports de formation c’est-à-dire leur identification et/ou élaboration. Il existe deux types de développement suivant leur ampleur:

  • elle sera une phase simple si elle concerne le développement des techniques et outils habituels du formateur ; elle portera sur leur préparation ou leur révision ;
  • elle sera une phase complexe si elle concerne le développement d’outils utilisant les TICE (Techniques de l’Information et de la Communication en Education): CDROMs, logiciels, sites Web… Elle se fera en 4 opérations caractéristiques de la conduite du projet:

¤ la sélection du contenu à médiatiser ;
¤ la scénarisation des activités pédagogiques (anticiper le déroulement de la formation à animer) ;
¤ la fabrication des ressources ;
¤ le contrôle ou l’évaluation des usages des ressources.

Quatrième phase d’implantation ou de mise en oeuvre
Elle consiste à diffuser le système d’apprentissage disponible aux apprenants, à développer une procédure pour la formation des animateurs et des apprenants:

  • les animateurs de formation doivent couvrir les programmes de cours, les résultats d’apprentissage, les procédures d’essais ;
  • les apprenants doivent être préparés à l’utilisation des nouveaux outils. Cette phase se déroulera sur deux plans:
  • celui de l’animation de la communication et de la relation pédagogique (point de vue direct): modes de travail pédagogique, modalités de communication pédagogique, perspectives sur l’enseignement…
  • celui du suivi de l’action pédagogique (point de vue externe): contacts avec les intervenants, logistique, gestion courante de l’action, suivi des présences

Cinquième phase d’évaluation
Elle permet d’évaluer le dispositif pédagogique, ce qui permet de le réguler. Elle comporte deux parties: formative et sommative.
L’évaluation formative est présente dans chaque étape du processus et l’évaluation sommative est faite à la fin du processus. L’ingénierie pédagogique vise, entre autre, à l’optimisation du rapport résultat attendu/coût de la formation. Aussi, l’appréciation de la productivité pédagogique de la formation se faitelle grâce à deux sortes de facteurs:

  • les facteurs de résultat qui sont les évaluations d’une action de formation, comme les taux de participation, la satisfaction des usagers, le transfert des compétences (exploitation des acquis)…
  • les facteurs de coût qui sont les coûts de la formation, comme les coûts directs (salaires des formateurs, équipement…), de participation (déplacement, hébergement,), de structure (locaux, frais généraux, …), etc.


CONCLUSION
L’ingénierie pédagogique, comme nous le constatons bien, ne s’applique pas uniquement dans un cadre éducatif pour rendre les enseignants mieux capables d’exercer leur métier ; elle le dépasse largement pour atteindre tout public soucieux d’améliorer ses performances et atteindre le professionnalisme, toute entreprise ou institution voulant réussir et perdurer grâce à un personnel qui agit avec compétence. Aussi, l’ingénierie pédagogique s’avère-t-elle une discipline d’une utilité inestimable pour garantir la pérennité et la suprématie d’une entreprise dans un monde de fortes compétitions et de changements vertigineux.

Pour répondre à notre question de départ, nous pouvons dire que l’ingénierie pédagogique est une » nécessité luxueuse «ou» un luxe nécessaire « car elle est assez coûteuse en temps, en argent et en énergie humaine, mais ses rendements sont très importants et dépassent de loin ses coûts. Si l’ingénierie pédagogique s’impose chaque jour davantage pour faire réussir tout un chacun, quelle discipline la remplacera-t-elle dans l’avenir pour aider les gens à aller de l’avant dans le progrès et la compétitivité?

 

Exemple d’un enseignant qui agit et réussit avec compétence

Resources personnelles

 

-connaissances/saviors linguistiques, psycholinguistiques, sociolinguistiques et pédagogiques;

-connaissances organisationnelles et juridiques (legislation professionnelle, décontologie, organization d'une institution scolaire, droits et devoirs d'un enseignant, dans un établissement scolaire public/privé);

-connaissances et savoir-faire techniques (utilization des TICE-Technologies de l'information et de la Communication en Education);

-connaissances et savoir-faire méthodologiques (Enseignement des quatre competences et du code de la langue);

- savoir-faire relationnels : écoute, échange,communication avec des responsables éducatifs,des paires, des apprenants, etc.

Qualités : patience, imagination, rigueur professionnelle, ouverture d'esprit;

 

Resources externs

 

-collègues expérimentés;

-documentation théorique et technique;

-outils et techniques divers;

-guides pédagogiques;

-stages/voyages culturels et linguistiques;

-centres culturels;

-internet;

-bibliothèques/ centres d'informations;

Activités – clés

 

Organizer et animer des situations d'apprentissage

Gérer la progression des apprentissages

Concevoir et évaluer des dispositifs de différenciation

Travailler en équipe et participer à la gestion de l'école

Gérer des situations scolaires conflicutuelles

Gérer sa proper formation continue

Informer et impliquer les parents d'élèves

Se server des technologies nouvelles

Affronter les devoirs et les dilemmes de la profession

Analyzer les representations des élèves

Analyzer les erreurs des élèves`

Analyzer des manuels scolaires

 

 

Résultats obtenus

 

-un apprenant qui développe ses competences communica-tives en comprehension orale/écrite et en expression orale/écrite;

-un apprenant qui sait se comporter dans toutes sortes de situations de communica-tion à l'oral comme à l'écrit;

-un apprenant autonome et qui sait travailler en groupe;

-un apprenant qui réussit aux examens scolaires, officiels et universitaires, qui peut réussir dans des entretiens d'embauche et décrocher un emploi;

-un apprenant qui se prépare à un avenir professionnel sûr et capable d'exercer son métier dans son pays ou à l'étranger;

-un cadre professional agreeable et favorable à l'apprentissage;

-un citoyen responsible et cultivé qui participle au progrès et au développement du pays;

-une équipe professionnalisée

au courant de l'évolution du métier, motivée et fournissant un enseignement de qualité;

-un planning et une organization du travail conformes aux objectifs;

-une coordination parfaite entre les acteurs éducatifs: administrateurs, enseignants, apprenants, psychologues, parents….;

-une bonne réputation de l'institution et de son personnel;

-une satisfaction des parents d'avoir investi leur argent pour bien former leurs enfants;

-…..

 

Références bibliographiques et sitographiques

  • ARDOUIN, T. (2003): Ingénierie de formation pour l’entreprise, Paris, Dunod.
  • BAZIN, R. (1994): Organiser les sessions de formation, Paris, ESF éditeur.
  • BELLENGER, L. et DENERY, M. (1999): Guide pratique de la formation, Paris, ESF éditeur.
  • BOURGEOIS, E. et NIZET, J. (1999): Apprentissage et formation des adultes, Paris, PUF.
  • CHALVIN, D. (1999): Méthodes et outils pédagogiques, Paris, ESF éditeur.
  • CHAUVIN, C. (2005): Concevoir un stage de formation, Paris, ESF éditeur.
  • COUREAU, S. (1996): Les outils d’excellence du formateur, Paris, ESF éditeur.
  • COUREAU, S. (1999): Les outils de base du formateur, Paris, ESF éditeur, 4ème édition.
  • DE LANDSHEERE, V. (1992): L’éducation et la formation, Paris, PUF.
  • FEUILLETTE, I.(2000): Le nouveau formateur, Paris, Dunod, 2ème édition.
  • GERARD, F.-M., ROEGIERS, X. (2003): Des manuels scolaires pour apprendre, concevoir, évaluer, utiliser, Bruxelles, De Boeck.
  • GIL, P. et MARTIN, C. (2004): Les nouveaux métiers de la formation, Paris, Dunod.
  • Gillet, P. (1994): Construire la formation. Outils pour les enseignants et les formateurs, Paris, ESF éditeur, Collection Pédagogies.
  • KUSTCHER, N. et SAINT-PIERRE, A.(1999): Les techniques pédagogiques et le Web, Paris, Editions Vermette.
  • LEBAILLY, M. et SIMON, A.(2004): Anthropologie de l’entreprise, gérer la culture comme un actif stratégique, Paris, Village mondial.
  • LE BOTERF, G. (1993): 75 fiches-outils. L’ingénierie et l’évaluation de la formation, 3ème tirage, Paris, Editions d’organisation.
  • LE BOTERF, G. (2003): Former pour performer, Montréal, éditions Racines du savoir.
  • LE BOTERF, G. (2006): Ingénierie et évaluation des compétences, Paris, Editions d’Organisation.
  • LE BOTERF, G. (2006): Construire les compétences individuelles et collectives. Agir et réussir avec compétence, Paris EYROLLES, Editions d’organisation.
  • MARC, E. et GARGIA LOCQUENEUX, J. (1995): Guide des méthodes et pratiques en formation, Paris, Retz.
  • NAYMARK, J. (1999): Guide du multimédia en formation, Paris, Retz.
  • NOYE, D. et PIVETEAU, J. (1991): Guide pratique du formateur, Paris, INSEP édition.
  • PARMENTIER, C. (1998): Former l’entreprise de demain, Paris, Editions d’Organisation.
  • PELPEL, P. (1993): Se former pour enseigner, Paris, DUNOD, Collection Savoir enseigner.
  • PERRENOUD, PH. (2004): Dix nouvelles compétences pour enseigner, Paris ESF éditeur.
  • VIVET, M. (1991): "Génie éducatif", La revue Génie éducatif, 1, Paris, INRP.
  • ZARATE, G. (1993): Représentations de l’étranger et didactique des langues, Paris, Didier .

 

L’ingénierie pédagogique: un luxe ou une nécessité ?

photo de  Dr Carméline Assaf Faculté de Pédagogie 2 Université LibanaiseL’ingénierie pédagogique:

un luxe ou une nécessité ?

 

 

INTRODUCTION

Nul n’ignore de nos jours les problèmes économiques, sociaux, politiques, écologiques et autres dont souffrent tous les habitants de la planète à des degrés différents. Et nul ne fait la sourde oreille ni ne ferme les yeux sur les changements qui s’opèrent dans le monde à tous les niveaux: des entreprises qui licencient leurs employés et qui mettent leurs clefs sous la porte, d’autres,qui naissantes et pleines d’espoir dans l’avenir,qui offrent des emplois et recrutent les jeunes diplômés ; d’autres, enfin, bien enracinées dans le pays,qui perdurent et continuent leur implantation dans des régions différentes grâce à leur personnel qualifié et compétent.
"Le niveau de compétence et la qualité de la main-d’oeuvre feront de plus en plus la différence dans la course aux débouchés sur un marché mondialisé" (Bureau International du Travail-BIT- 1999). Cette affirmation nous pousse à réfléchir, à nous demander pourquoi cet engouement actuel pour la compétence qui fait que beaucoup d’entreprises, dans des domaines différents, investissent dans la formation continue de leurs employés, quelle relation cela a-t-il avec la compétitivité et quel est le rôle joué par l’ingénierie pédagogique dans cette perspective?
"Compétence" et "compétition", qui ont une même racine latine "competentia", sont deux éléments indispensables, non seulement pour faire perdurer toute entreprise, mais aussi pour l’élever au premier rang parmi les autres. En effet, il ne suffit pas de faire mieux que les autres, mais aussi de le faire avant les autres.
Une société capable, non seulement de suivre le progrès et les changements, mais aussi d’anticiper ce progrès et d’être à l’affût de tout changement, peut s’imposer et continuer à se développer. Une société, capable de s’adapter rapidement et en permanence grâce à un personnel qualifié et en formation continue perpétuelle, une société qui lance des produits nouveaux avec un bon rapport qualité-prix, est capable d’assurer sa longévité, d’étendre son hégémonie sur le marché, d’imposer sa pérennité, de créer des emplois, de participer à la bonne marche de la roue économique, ce qui influe positivement sur le niveau de vie dans le pays et au bien-être général.
Ainsi, le recours à l’ingénierie pédagogique paraît, dans cette perspective, un choix délibérément lucide à ne pas négliger. Pour montrer le rôle important de cette discipline, nous essaierons, tout d’abord, de la définir ; ensuite, nous parlerons de l’objectif qu’elle s’est fixé et, enfin, nous montrerons comment elle procède pour l’atteindre.

1- Définition de l’ingénierie pédagogique
Le mot "ingénierie" est issu de l’anglais "engineering" et acquiert d’emblée le sens dynamique et complexe de "processus de...". Il est introduit en formation par le biais de la formation professionnelle des adultes et s’impose de plus en plus en didactique dans des acceptions comme: ingénierie éducative, ingénierie pédagogique, ingénierie de projet, ingénierie linguistique (industries de la langue), etc.

L’ingénierie repose sur les trois fonctions fondamentales de l’ingénieur: la conception, la réalisation et le contrôle (ou l’évaluation, en didactique, car l’objet [apprentissage ou formation] est humain et non pas un objet scientifique ou technologique).
L’ingénierie pédagogique est "l’ensemble des principes, des procédures et des tâches qui permettent de définir le contenu d’une formation au moyen d’une identification structurelle des connaissances et des compétences visées, de réaliser une scénarisation pédagogique des activités d’un cours définissant le contexte d’utilisation et la structure des matériels d’apprentissage et, enfin, de définir les infrastructures, les ressources et les services
nécessaires à la diffusion d’un cours et au maintien de leur qualité"
(Gilbert PAQUETTE, 2002, PUQ).
En formation comme en didactique, l’ingénierie est donc le processus de mise en oeuvre d’un dispositif pédagogique de formation adapté et optimisé. Ce processus comporte trois composantes fondamentales et complémentaires: la conception, la réalisation et le contrôle ou l’évaluation.

2- Objectif de l’ingénierie pédagogique
Avant de parler de cet objectif, et pour mieux le comprendre, il nous faut répondre à tois questions. Quelle différence existe-t-il entre "être compétent" et "avoir des compétences"? Que signifie l’expression "agir avec compétence"? Quelle différence y a-t-il entre un "professionnel débutant", un "professionnel confirmé" et un "expert"? Quelles sont les "ressources" que peut mobiliser un professionnel pour agir avec compétence?
- « Etre compétent »
C’est être capable de choisir et de mettre en oeuvre des pratiques professionnelles pertinentes et efficaces. C’est être capable d’agir et de réussir dans les diverses situations professionnelles qui peuvent se présenter dans un métier ou un emploi. C’est être capable d’organiser et de mobiliser les ressources en combinatoires pertinentes pour gérer les situations professionnelles en prenant en compte les "critères de réalisation" qui y sont liés. Le choix de pratiques professionnelles à mettre en oeuvre et les combinatoires des ressources à mobiliser font l’objet d’un "guidage" de la part de l’acteur.
- « Avoir des compétences »
C’est avoir des "ressources" personnelles et externes pour agir avec compétence. C’est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour être reconnu comme "étant compétent". Il n’est pas suffisant qu’une personne ait des compétences (qu’elle possède des ressources) pour être compétente.
Une personne peut avoir des ressources/des compétences mais ne pas savoir les combiner et les activer en situation de travail. Dans ce cas, elle peut être considérée comme "savante", mais non pas comme "compétente": elle ne sait pas agir avec compétence.
- « Agir et réussir avec compétence »
N’est-ce pas au fond ce que cherchent les entreprises et les organisations? Pouvoir compter sur des employés qui sachent agir avec compétence, et non seulement qui aient des compétences, qui puissent réunir, de façon cohérente, un ensemble de conditions favorables pour maximiser la probabilité d’agir et de réussir avec compétence dans telle ou telle situation de travail? Pour maximiser cette probabilité, un ensemble de leviers sur lesquels des décisions peuvent être prises, concernent tant le savoir que le pouvoir et le vouloir agir.
Le processus "agir et réussir avec compétence" fait apparaître deux notions qu’il importe de préciser: celle de "situation professionnelle" et celle de "guidage". La situation professionnelle est la réalisation d’une activité prescrite grâce à des critères pertinents mis en oeuvre par le professionnel, et le guidage des ressources et des pratiques est l’ensemble des opérations de pilotage qui rendent les critères mis en oeuvre pertinents. On distingue quatre types de guidage: le guidage émotionnel, le guidage cognitif, le guidage selon les règles professionnelles et le guidage éthique.

Les trois axes de la compétence du professionnel

  • Axe des ressources personnelles et externes auxquelles il doit faire appel pour agir: "Je dispose des ressources nécessaires pour agir par rapport aux situations de travail relevant de mon métier".
  • Axe de l’action contextualisée, c’est-à-dire de la pratique professionnelle et de ses résultats ou performances. Le professionnel compétent doit savoir agir en situation: "Je sais agir et réussir avec compétence dans telle ou telle situation".
  • Axe de la prise de recul, c’est-à-dire qu’un professionnel doit, non seulement savoir agir, mais aussi être en mesure de comprendre et d’expliquer comment et pourquoi il agit de telle façon plutôt que d’une autre, de mettre en évidence comment il s’y prend pour réussir: "Je sais décrire, expliquer et analyser comment et pourquoi je m’y prends de telle façon dans telle situation".

 

Les trois niveaux de professionnalisme (Le Boterf, 2006: 101-105)

Le professionnel débutant :

Demarche-mode d'intervention

Context-ualizaion des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-vision partielle d'une situation;

-diffuculté à distinguer l'essentiel de l'accessoire s'attarde aux details d'un énoncé, d'un problème;

-faible tri des informations;

 

-généraux et peux context-ualisés

-connaît mal ses potentialités et les utilisations possibles de ses resources; ne sait pas toujours à quoi ses connaissances peuvent servir;

-organize ses connaissances

-en appren-tissage

-faible autonomie

-application des règles formelles;

-forte utilisation des règles d'entraîne-ment.

-incer-taine;

-en pleine constru-

ction

recher-che de modèle.

-peu fiable mais réussites ponctue-les.

-fonctionne par tâtonnement, essais et erreurs;

-progression pas à pas et analytique;

-peu ou pas de recours à l'intuition;

-forte référence à des règles et procédures générales indépendamment du contexte.

 

davantage en function de l'énoncé d'un problème que de schèmes mémorisés;

-saviors fragmentaires;

-en reste à la structure superficielle des problèmes;

-faible capacité à utiliser ses connaissances en temps opportun

 

 

 

 

  • Le professionnel confirmé: (maîtrise professionnelle)

Demarche-mode d'intervention

Contex-tualisation des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-stratégies d'etude et de resolution de problèmes;

-sait decider ce qu'il doit faire pour atteindre un objectif;

-sait prendre des decisions raisonnées en function d'un diagnostic et d'un objectif;

-vision globale et cohérente des situations;

-confiance limitée en l'intuition; se fie aux methods d'analyse;

-adapte les règles à un contexte.

-contex-tualisés.

-bonne connaissance de ses saviors, capacités et competences.

-maîtrisée

-autonomie;

-sait interpreter les règles;

-simplification ou abandon progressif des règles d'entraîne-mnt

-confiance en ses capaci-tés et connais-sances

-fiabilité

  • L’expert

Demarche-mode d'intervention

Contex-Contex-tualisation des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-réagit de façon intuitive et globale sans se referrer explicitement aux règles de la profession; voit directement ce qu'il faut faire; ne calcule pas sa réponse; sait faire face de façon immediate aux

-trés contextu-alisés

-très rapidem-ent mobilisa-bles.

-se référe à une heuristique (se rapportant à une typologie de problèmes ou de situations);

-organise ses connaissances à partir de schemes, de modèles d'analyse,de

-peut agir très vite mais

sait choisir les rythmes adéqu-ats;

-non seu-lement réagit mais anticipe;

-totale: peut en fixer les limites;

-sait donner de nouvelles interpréta-tions aux règles;

Abandon des

-très congru-ente;

-connaît les poin-ts forts et les limites de son exper-tise;

-confia-nce en soi, aisance,

- trés grande régula-rité de la compét-ence.

évé nement; agit de façon spontanée; sait court-circuiter les étapes d'une procedure, faire des impasses; forte capacité d'intuition et d'insight;

-ne recourt aux demarches, aux règles et procédures  habituelles qu'en situation inhabituelle de rupture ou degrade;

-se fie advantage à des approches de structure qu'à la recherché des details;

-forte capacité de reconnaissance de formes;

-met en oeuvre des strategies globales plutôt qu'analytiques; vision synthétique;

-sépare l'essentiel de l'accessoire; fait l'économie d'informations;

-anticipe à partir de signaux faibles;

-sait se prononcer dans une conjuncture.

 

<<patterns>>, de <<theories d'action>>;

- organize ses connaissances en blocs relies entre eux et faciles à mobiliser;

-a su developer des méta-connnaissances qui lui permettent de mieux savoir mettre en cause ses saviors;

-connaît les utilize-tions multiples des resources (saviors,capacités…)

qu'il possède;

-forts automatismes et savoir-faire incorporés;

-capacité à savoir le bon moment de mise en oeuvre de ses connaissances.

-immé-diatem-ent opérat-oire;

Rapidité d'exécut-ion;

-aisance

Règles d'entraîne-ment;

-prend des risques à titre personnel

aplomb

-sait gérer son image.

 

 

Que sera donc l’OBJECTIF de l’ingénierie pédagogique ?


«Former des professionnels confirmés, capables d’agir

et de réussir avec compétence dans différentes situations professionnelles.»


3- Comment l’ingénierie pédagogique y parvient-elle ?
En respectant certaines règles d’or dont les suivantes:

  • disposer d’un référentiel de compétences requises pour identifier les besoins de compétences ;
  • considérer que les besoins de formation sont les ressources (personnelles et externes) qui peuvent être acquises par la formation et qui sont nécessaires pour agir avec compétence ;
  • concevoir et mettre en oeuvre des dispositifs permettant aux apprenants d’acquérir des ressources et de s’entraîner à les combiner et à les mobiliser pour agir avec compétence ;
  • faire correspondre l’évaluation de la formation aux objectifs opérationnels des actions de formation ;
  • élaborer un "cahier des charges" spécifique qui devra être pris en compte pour élaborer et réaliser le programme pédagogique correspondant ;
  • veiller à ce que les décisions de formation soient pertinentes, cohérentes, prises en temps opportun et formulées en termes d’objectifs généraux des compétences visées.

En suivant les cinq phases suivantes:

Première phase d’analyse
Cette première phase consiste en une analyse préliminaire de la demande de formation, une identification globale du travail de conception à accomplir:

  • les besoins ou les enjeux de formation (stratégique: préparer l’avenir; tactique: accompagner le changement; opérationnelle: favoriser l’apprentissage) découlant d’une identification des compétences requises et des compétences réelles du personnel ;
  • les caractéristiques du public: nombre de personnes concernées par cette formation (moins de 5 personnes, de 5 à 20 personnes, de 20 à 100 personnes, plus de 100 personnes), leurs compétences réelles ;
  • les moyens du projet: les ressources humaines (pilote du projet, consultants formateurs, experts de contenu, ingénieur pédagogue, intégrateur informaticien), les ressources techniques (Techniques de l’Information et de la Communication en Education- les TICE), les contraintes spatiotemporelles, techniques, économiques/financières.

Deuxième phase de conception
Cette phase vise à formaliser les données de la phase d’analyse en projet pédagogique ou en cahier des charges (Référentiel contractuel partagé par le prestataire et l’équipe interne ou le bénéficiaire, ce qui en fait un outil fondamental de communication du chef de projet).
Les éléments de la phase de conception:

  • Les compétences sont transformées en objectifs d’apprentissage opérationnels (performances) qui obéissent à quatre critères importants: l’univocité, le comportement observable, mesurable, évaluable, les conditions et les critères.
  • Les stratégies pédagogiques: s’agit-il d’une action (un stage) ou d’un dispositif de formation (ensemble de stages coordonnés) ? Il s’agit aussi de choisir le cadre spatiotemporel et technologique de la formation. Si la formation concerne moins de 5 personnes, la question de la conception ne se pose pas. Par contre, si le nombre de personnes dépasse les 5, deux cas de figure sont envisageables selon le tableau suivant:

Les moyens pédagogiques: (ou médias d’apprentissage) regroupent les techniques (exposé, test, brainstorming, jeu de rôle, simulation, tutorat…),
les outils et les supports (manuel, transparent, visioconférence, cours en ligne, forum, didacticiel...) associés aux situations (en présenciel, à distance, en face-à-face, en sousgroupe, en situation de travail…).

 

5 à 20 personnes

20 à 100 personnes

Plus de 100 personnes

Action de formation

1 à 5 jours

5 à 10 jours

Plus de 10 jours

Dispositive de formation

2 à 8 jours

8 à 20 jours

Plus de 20 jours

 

Troisième phase de développement
Elle concerne la construction des outils et supports de formation c’est-à-dire leur identification et/ou élaboration. Il existe deux types de développement suivant leur ampleur:

  • elle sera une phase simple si elle concerne le développement des techniques et outils habituels du formateur ; elle portera sur leur préparation ou leur révision ;
  • elle sera une phase complexe si elle concerne le développement d’outils utilisant les TICE (Techniques de l’Information et de la Communication en Education): CDROMs, logiciels, sites Web… Elle se fera en 4 opérations caractéristiques de la conduite du projet:

¤ la sélection du contenu à médiatiser ;
¤ la scénarisation des activités pédagogiques (anticiper le déroulement de la formation à animer) ;
¤ la fabrication des ressources ;
¤ le contrôle ou l’évaluation des usages des ressources.

Quatrième phase d’implantation ou de mise en oeuvre
Elle consiste à diffuser le système d’apprentissage disponible aux apprenants, à développer une procédure pour la formation des animateurs et des apprenants:

  • les animateurs de formation doivent couvrir les programmes de cours, les résultats d’apprentissage, les procédures d’essais ;
  • les apprenants doivent être préparés à l’utilisation des nouveaux outils. Cette phase se déroulera sur deux plans:
  • celui de l’animation de la communication et de la relation pédagogique (point de vue direct): modes de travail pédagogique, modalités de communication pédagogique, perspectives sur l’enseignement…
  • celui du suivi de l’action pédagogique (point de vue externe): contacts avec les intervenants, logistique, gestion courante de l’action, suivi des présences

Cinquième phase d’évaluation
Elle permet d’évaluer le dispositif pédagogique, ce qui permet de le réguler. Elle comporte deux parties: formative et sommative.
L’évaluation formative est présente dans chaque étape du processus et l’évaluation sommative est faite à la fin du processus. L’ingénierie pédagogique vise, entre autre, à l’optimisation du rapport résultat attendu/coût de la formation. Aussi, l’appréciation de la productivité pédagogique de la formation se faitelle grâce à deux sortes de facteurs:

  • les facteurs de résultat qui sont les évaluations d’une action de formation, comme les taux de participation, la satisfaction des usagers, le transfert des compétences (exploitation des acquis)…
  • les facteurs de coût qui sont les coûts de la formation, comme les coûts directs (salaires des formateurs, équipement…), de participation (déplacement, hébergement,), de structure (locaux, frais généraux, …), etc.


CONCLUSION
L’ingénierie pédagogique, comme nous le constatons bien, ne s’applique pas uniquement dans un cadre éducatif pour rendre les enseignants mieux capables d’exercer leur métier ; elle le dépasse largement pour atteindre tout public soucieux d’améliorer ses performances et atteindre le professionnalisme, toute entreprise ou institution voulant réussir et perdurer grâce à un personnel qui agit avec compétence. Aussi, l’ingénierie pédagogique s’avère-t-elle une discipline d’une utilité inestimable pour garantir la pérennité et la suprématie d’une entreprise dans un monde de fortes compétitions et de changements vertigineux.

Pour répondre à notre question de départ, nous pouvons dire que l’ingénierie pédagogique est une » nécessité luxueuse «ou» un luxe nécessaire « car elle est assez coûteuse en temps, en argent et en énergie humaine, mais ses rendements sont très importants et dépassent de loin ses coûts. Si l’ingénierie pédagogique s’impose chaque jour davantage pour faire réussir tout un chacun, quelle discipline la remplacera-t-elle dans l’avenir pour aider les gens à aller de l’avant dans le progrès et la compétitivité?

 

Exemple d’un enseignant qui agit et réussit avec compétence

Resources personnelles

 

-connaissances/saviors linguistiques, psycholinguistiques, sociolinguistiques et pédagogiques;

-connaissances organisationnelles et juridiques (legislation professionnelle, décontologie, organization d'une institution scolaire, droits et devoirs d'un enseignant, dans un établissement scolaire public/privé);

-connaissances et savoir-faire techniques (utilization des TICE-Technologies de l'information et de la Communication en Education);

-connaissances et savoir-faire méthodologiques (Enseignement des quatre competences et du code de la langue);

- savoir-faire relationnels : écoute, échange,communication avec des responsables éducatifs,des paires, des apprenants, etc.

Qualités : patience, imagination, rigueur professionnelle, ouverture d'esprit;

 

Resources externs

 

-collègues expérimentés;

-documentation théorique et technique;

-outils et techniques divers;

-guides pédagogiques;

-stages/voyages culturels et linguistiques;

-centres culturels;

-internet;

-bibliothèques/ centres d'informations;

Activités – clés

 

Organizer et animer des situations d'apprentissage

Gérer la progression des apprentissages

Concevoir et évaluer des dispositifs de différenciation

Travailler en équipe et participer à la gestion de l'école

Gérer des situations scolaires conflicutuelles

Gérer sa proper formation continue

Informer et impliquer les parents d'élèves

Se server des technologies nouvelles

Affronter les devoirs et les dilemmes de la profession

Analyzer les representations des élèves

Analyzer les erreurs des élèves`

Analyzer des manuels scolaires

 

 

Résultats obtenus

 

-un apprenant qui développe ses competences communica-tives en comprehension orale/écrite et en expression orale/écrite;

-un apprenant qui sait se comporter dans toutes sortes de situations de communica-tion à l'oral comme à l'écrit;

-un apprenant autonome et qui sait travailler en groupe;

-un apprenant qui réussit aux examens scolaires, officiels et universitaires, qui peut réussir dans des entretiens d'embauche et décrocher un emploi;

-un apprenant qui se prépare à un avenir professionnel sûr et capable d'exercer son métier dans son pays ou à l'étranger;

-un cadre professional agreeable et favorable à l'apprentissage;

-un citoyen responsible et cultivé qui participle au progrès et au développement du pays;

-une équipe professionnalisée

au courant de l'évolution du métier, motivée et fournissant un enseignement de qualité;

-un planning et une organization du travail conformes aux objectifs;

-une coordination parfaite entre les acteurs éducatifs: administrateurs, enseignants, apprenants, psychologues, parents….;

-une bonne réputation de l'institution et de son personnel;

-une satisfaction des parents d'avoir investi leur argent pour bien former leurs enfants;

-…..

 

Références bibliographiques et sitographiques

  • ARDOUIN, T. (2003): Ingénierie de formation pour l’entreprise, Paris, Dunod.
  • BAZIN, R. (1994): Organiser les sessions de formation, Paris, ESF éditeur.
  • BELLENGER, L. et DENERY, M. (1999): Guide pratique de la formation, Paris, ESF éditeur.
  • BOURGEOIS, E. et NIZET, J. (1999): Apprentissage et formation des adultes, Paris, PUF.
  • CHALVIN, D. (1999): Méthodes et outils pédagogiques, Paris, ESF éditeur.
  • CHAUVIN, C. (2005): Concevoir un stage de formation, Paris, ESF éditeur.
  • COUREAU, S. (1996): Les outils d’excellence du formateur, Paris, ESF éditeur.
  • COUREAU, S. (1999): Les outils de base du formateur, Paris, ESF éditeur, 4ème édition.
  • DE LANDSHEERE, V. (1992): L’éducation et la formation, Paris, PUF.
  • FEUILLETTE, I.(2000): Le nouveau formateur, Paris, Dunod, 2ème édition.
  • GERARD, F.-M., ROEGIERS, X. (2003): Des manuels scolaires pour apprendre, concevoir, évaluer, utiliser, Bruxelles, De Boeck.
  • GIL, P. et MARTIN, C. (2004): Les nouveaux métiers de la formation, Paris, Dunod.
  • Gillet, P. (1994): Construire la formation. Outils pour les enseignants et les formateurs, Paris, ESF éditeur, Collection Pédagogies.
  • KUSTCHER, N. et SAINT-PIERRE, A.(1999): Les techniques pédagogiques et le Web, Paris, Editions Vermette.
  • LEBAILLY, M. et SIMON, A.(2004): Anthropologie de l’entreprise, gérer la culture comme un actif stratégique, Paris, Village mondial.
  • LE BOTERF, G. (1993): 75 fiches-outils. L’ingénierie et l’évaluation de la formation, 3ème tirage, Paris, Editions d’organisation.
  • LE BOTERF, G. (2003): Former pour performer, Montréal, éditions Racines du savoir.
  • LE BOTERF, G. (2006): Ingénierie et évaluation des compétences, Paris, Editions d’Organisation.
  • LE BOTERF, G. (2006): Construire les compétences individuelles et collectives. Agir et réussir avec compétence, Paris EYROLLES, Editions d’organisation.
  • MARC, E. et GARGIA LOCQUENEUX, J. (1995): Guide des méthodes et pratiques en formation, Paris, Retz.
  • NAYMARK, J. (1999): Guide du multimédia en formation, Paris, Retz.
  • NOYE, D. et PIVETEAU, J. (1991): Guide pratique du formateur, Paris, INSEP édition.
  • PARMENTIER, C. (1998): Former l’entreprise de demain, Paris, Editions d’Organisation.
  • PELPEL, P. (1993): Se former pour enseigner, Paris, DUNOD, Collection Savoir enseigner.
  • PERRENOUD, PH. (2004): Dix nouvelles compétences pour enseigner, Paris ESF éditeur.
  • VIVET, M. (1991): "Génie éducatif", La revue Génie éducatif, 1, Paris, INRP.
  • ZARATE, G. (1993): Représentations de l’étranger et didactique des langues, Paris, Didier .

 

L’ingénierie pédagogique: un luxe ou une nécessité ?

photo de  Dr Carméline Assaf Faculté de Pédagogie 2 Université LibanaiseL’ingénierie pédagogique:

un luxe ou une nécessité ?

 

 

INTRODUCTION

Nul n’ignore de nos jours les problèmes économiques, sociaux, politiques, écologiques et autres dont souffrent tous les habitants de la planète à des degrés différents. Et nul ne fait la sourde oreille ni ne ferme les yeux sur les changements qui s’opèrent dans le monde à tous les niveaux: des entreprises qui licencient leurs employés et qui mettent leurs clefs sous la porte, d’autres,qui naissantes et pleines d’espoir dans l’avenir,qui offrent des emplois et recrutent les jeunes diplômés ; d’autres, enfin, bien enracinées dans le pays,qui perdurent et continuent leur implantation dans des régions différentes grâce à leur personnel qualifié et compétent.
"Le niveau de compétence et la qualité de la main-d’oeuvre feront de plus en plus la différence dans la course aux débouchés sur un marché mondialisé" (Bureau International du Travail-BIT- 1999). Cette affirmation nous pousse à réfléchir, à nous demander pourquoi cet engouement actuel pour la compétence qui fait que beaucoup d’entreprises, dans des domaines différents, investissent dans la formation continue de leurs employés, quelle relation cela a-t-il avec la compétitivité et quel est le rôle joué par l’ingénierie pédagogique dans cette perspective?
"Compétence" et "compétition", qui ont une même racine latine "competentia", sont deux éléments indispensables, non seulement pour faire perdurer toute entreprise, mais aussi pour l’élever au premier rang parmi les autres. En effet, il ne suffit pas de faire mieux que les autres, mais aussi de le faire avant les autres.
Une société capable, non seulement de suivre le progrès et les changements, mais aussi d’anticiper ce progrès et d’être à l’affût de tout changement, peut s’imposer et continuer à se développer. Une société, capable de s’adapter rapidement et en permanence grâce à un personnel qualifié et en formation continue perpétuelle, une société qui lance des produits nouveaux avec un bon rapport qualité-prix, est capable d’assurer sa longévité, d’étendre son hégémonie sur le marché, d’imposer sa pérennité, de créer des emplois, de participer à la bonne marche de la roue économique, ce qui influe positivement sur le niveau de vie dans le pays et au bien-être général.
Ainsi, le recours à l’ingénierie pédagogique paraît, dans cette perspective, un choix délibérément lucide à ne pas négliger. Pour montrer le rôle important de cette discipline, nous essaierons, tout d’abord, de la définir ; ensuite, nous parlerons de l’objectif qu’elle s’est fixé et, enfin, nous montrerons comment elle procède pour l’atteindre.

1- Définition de l’ingénierie pédagogique
Le mot "ingénierie" est issu de l’anglais "engineering" et acquiert d’emblée le sens dynamique et complexe de "processus de...". Il est introduit en formation par le biais de la formation professionnelle des adultes et s’impose de plus en plus en didactique dans des acceptions comme: ingénierie éducative, ingénierie pédagogique, ingénierie de projet, ingénierie linguistique (industries de la langue), etc.

L’ingénierie repose sur les trois fonctions fondamentales de l’ingénieur: la conception, la réalisation et le contrôle (ou l’évaluation, en didactique, car l’objet [apprentissage ou formation] est humain et non pas un objet scientifique ou technologique).
L’ingénierie pédagogique est "l’ensemble des principes, des procédures et des tâches qui permettent de définir le contenu d’une formation au moyen d’une identification structurelle des connaissances et des compétences visées, de réaliser une scénarisation pédagogique des activités d’un cours définissant le contexte d’utilisation et la structure des matériels d’apprentissage et, enfin, de définir les infrastructures, les ressources et les services
nécessaires à la diffusion d’un cours et au maintien de leur qualité"
(Gilbert PAQUETTE, 2002, PUQ).
En formation comme en didactique, l’ingénierie est donc le processus de mise en oeuvre d’un dispositif pédagogique de formation adapté et optimisé. Ce processus comporte trois composantes fondamentales et complémentaires: la conception, la réalisation et le contrôle ou l’évaluation.

2- Objectif de l’ingénierie pédagogique
Avant de parler de cet objectif, et pour mieux le comprendre, il nous faut répondre à tois questions. Quelle différence existe-t-il entre "être compétent" et "avoir des compétences"? Que signifie l’expression "agir avec compétence"? Quelle différence y a-t-il entre un "professionnel débutant", un "professionnel confirmé" et un "expert"? Quelles sont les "ressources" que peut mobiliser un professionnel pour agir avec compétence?
- « Etre compétent »
C’est être capable de choisir et de mettre en oeuvre des pratiques professionnelles pertinentes et efficaces. C’est être capable d’agir et de réussir dans les diverses situations professionnelles qui peuvent se présenter dans un métier ou un emploi. C’est être capable d’organiser et de mobiliser les ressources en combinatoires pertinentes pour gérer les situations professionnelles en prenant en compte les "critères de réalisation" qui y sont liés. Le choix de pratiques professionnelles à mettre en oeuvre et les combinatoires des ressources à mobiliser font l’objet d’un "guidage" de la part de l’acteur.
- « Avoir des compétences »
C’est avoir des "ressources" personnelles et externes pour agir avec compétence. C’est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour être reconnu comme "étant compétent". Il n’est pas suffisant qu’une personne ait des compétences (qu’elle possède des ressources) pour être compétente.
Une personne peut avoir des ressources/des compétences mais ne pas savoir les combiner et les activer en situation de travail. Dans ce cas, elle peut être considérée comme "savante", mais non pas comme "compétente": elle ne sait pas agir avec compétence.
- « Agir et réussir avec compétence »
N’est-ce pas au fond ce que cherchent les entreprises et les organisations? Pouvoir compter sur des employés qui sachent agir avec compétence, et non seulement qui aient des compétences, qui puissent réunir, de façon cohérente, un ensemble de conditions favorables pour maximiser la probabilité d’agir et de réussir avec compétence dans telle ou telle situation de travail? Pour maximiser cette probabilité, un ensemble de leviers sur lesquels des décisions peuvent être prises, concernent tant le savoir que le pouvoir et le vouloir agir.
Le processus "agir et réussir avec compétence" fait apparaître deux notions qu’il importe de préciser: celle de "situation professionnelle" et celle de "guidage". La situation professionnelle est la réalisation d’une activité prescrite grâce à des critères pertinents mis en oeuvre par le professionnel, et le guidage des ressources et des pratiques est l’ensemble des opérations de pilotage qui rendent les critères mis en oeuvre pertinents. On distingue quatre types de guidage: le guidage émotionnel, le guidage cognitif, le guidage selon les règles professionnelles et le guidage éthique.

Les trois axes de la compétence du professionnel

  • Axe des ressources personnelles et externes auxquelles il doit faire appel pour agir: "Je dispose des ressources nécessaires pour agir par rapport aux situations de travail relevant de mon métier".
  • Axe de l’action contextualisée, c’est-à-dire de la pratique professionnelle et de ses résultats ou performances. Le professionnel compétent doit savoir agir en situation: "Je sais agir et réussir avec compétence dans telle ou telle situation".
  • Axe de la prise de recul, c’est-à-dire qu’un professionnel doit, non seulement savoir agir, mais aussi être en mesure de comprendre et d’expliquer comment et pourquoi il agit de telle façon plutôt que d’une autre, de mettre en évidence comment il s’y prend pour réussir: "Je sais décrire, expliquer et analyser comment et pourquoi je m’y prends de telle façon dans telle situation".

 

Les trois niveaux de professionnalisme (Le Boterf, 2006: 101-105)

Le professionnel débutant :

Demarche-mode d'intervention

Context-ualizaion des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-vision partielle d'une situation;

-diffuculté à distinguer l'essentiel de l'accessoire s'attarde aux details d'un énoncé, d'un problème;

-faible tri des informations;

 

-généraux et peux context-ualisés

-connaît mal ses potentialités et les utilisations possibles de ses resources; ne sait pas toujours à quoi ses connaissances peuvent servir;

-organize ses connaissances

-en appren-tissage

-faible autonomie

-application des règles formelles;

-forte utilisation des règles d'entraîne-ment.

-incer-taine;

-en pleine constru-

ction

recher-che de modèle.

-peu fiable mais réussites ponctue-les.

-fonctionne par tâtonnement, essais et erreurs;

-progression pas à pas et analytique;

-peu ou pas de recours à l'intuition;

-forte référence à des règles et procédures générales indépendamment du contexte.

 

davantage en function de l'énoncé d'un problème que de schèmes mémorisés;

-saviors fragmentaires;

-en reste à la structure superficielle des problèmes;

-faible capacité à utiliser ses connaissances en temps opportun

 

 

 

 

  • Le professionnel confirmé: (maîtrise professionnelle)

Demarche-mode d'intervention

Contex-tualisation des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-stratégies d'etude et de resolution de problèmes;

-sait decider ce qu'il doit faire pour atteindre un objectif;

-sait prendre des decisions raisonnées en function d'un diagnostic et d'un objectif;

-vision globale et cohérente des situations;

-confiance limitée en l'intuition; se fie aux methods d'analyse;

-adapte les règles à un contexte.

-contex-tualisés.

-bonne connaissance de ses saviors, capacités et competences.

-maîtrisée

-autonomie;

-sait interpreter les règles;

-simplification ou abandon progressif des règles d'entraîne-mnt

-confiance en ses capaci-tés et connais-sances

-fiabilité

  • L’expert

Demarche-mode d'intervention

Contex-Contex-tualisation des savoirs

Méta-connaissances

Gestion du temps

Degré d'autonomie

Image de soi

fiabilité

-réagit de façon intuitive et globale sans se referrer explicitement aux règles de la profession; voit directement ce qu'il faut faire; ne calcule pas sa réponse; sait faire face de façon immediate aux

-trés contextu-alisés

-très rapidem-ent mobilisa-bles.

-se référe à une heuristique (se rapportant à une typologie de problèmes ou de situations);

-organise ses connaissances à partir de schemes, de modèles d'analyse,de

-peut agir très vite mais

sait choisir les rythmes adéqu-ats;

-non seu-lement réagit mais anticipe;

-totale: peut en fixer les limites;

-sait donner de nouvelles interpréta-tions aux règles;

Abandon des

-très congru-ente;

-connaît les poin-ts forts et les limites de son exper-tise;

-confia-nce en soi, aisance,

- trés grande régula-rité de la compét-ence.

évé nement; agit de façon spontanée; sait court-circuiter les étapes d'une procedure, faire des impasses; forte capacité d'intuition et d'insight;

-ne recourt aux demarches, aux règles et procédures  habituelles qu'en situation inhabituelle de rupture ou degrade;

-se fie advantage à des approches de structure qu'à la recherché des details;

-forte capacité de reconnaissance de formes;

-met en oeuvre des strategies globales plutôt qu'analytiques; vision synthétique;

-sépare l'essentiel de l'accessoire; fait l'économie d'informations;

-anticipe à partir de signaux faibles;

-sait se prononcer dans une conjuncture.

 

<<patterns>>, de <<theories d'action>>;

- organize ses connaissances en blocs relies entre eux et faciles à mobiliser;

-a su developer des méta-connnaissances qui lui permettent de mieux savoir mettre en cause ses saviors;

-connaît les utilize-tions multiples des resources (saviors,capacités…)

qu'il possède;

-forts automatismes et savoir-faire incorporés;

-capacité à savoir le bon moment de mise en oeuvre de ses connaissances.

-immé-diatem-ent opérat-oire;

Rapidité d'exécut-ion;

-aisance

Règles d'entraîne-ment;

-prend des risques à titre personnel

aplomb

-sait gérer son image.

 

 

Que sera donc l’OBJECTIF de l’ingénierie pédagogique ?


«Former des professionnels confirmés, capables d’agir

et de réussir avec compétence dans différentes situations professionnelles.»


3- Comment l’ingénierie pédagogique y parvient-elle ?
En respectant certaines règles d’or dont les suivantes:

  • disposer d’un référentiel de compétences requises pour identifier les besoins de compétences ;
  • considérer que les besoins de formation sont les ressources (personnelles et externes) qui peuvent être acquises par la formation et qui sont nécessaires pour agir avec compétence ;
  • concevoir et mettre en oeuvre des dispositifs permettant aux apprenants d’acquérir des ressources et de s’entraîner à les combiner et à les mobiliser pour agir avec compétence ;
  • faire correspondre l’évaluation de la formation aux objectifs opérationnels des actions de formation ;
  • élaborer un "cahier des charges" spécifique qui devra être pris en compte pour élaborer et réaliser le programme pédagogique correspondant ;
  • veiller à ce que les décisions de formation soient pertinentes, cohérentes, prises en temps opportun et formulées en termes d’objectifs généraux des compétences visées.

En suivant les cinq phases suivantes:

Première phase d’analyse
Cette première phase consiste en une analyse préliminaire de la demande de formation, une identification globale du travail de conception à accomplir:

  • les besoins ou les enjeux de formation (stratégique: préparer l’avenir; tactique: accompagner le changement; opérationnelle: favoriser l’apprentissage) découlant d’une identification des compétences requises et des compétences réelles du personnel ;
  • les caractéristiques du public: nombre de personnes concernées par cette formation (moins de 5 personnes, de 5 à 20 personnes, de 20 à 100 personnes, plus de 100 personnes), leurs compétences réelles ;
  • les moyens du projet: les ressources humaines (pilote du projet, consultants formateurs, experts de contenu, ingénieur pédagogue, intégrateur informaticien), les ressources techniques (Techniques de l’Information et de la Communication en Education- les TICE), les contraintes spatiotemporelles, techniques, économiques/financières.

Deuxième phase de conception
Cette phase vise à formaliser les données de la phase d’analyse en projet pédagogique ou en cahier des charges (Référentiel contractuel partagé par le prestataire et l’équipe interne ou le bénéficiaire, ce qui en fait un outil fondamental de communication du chef de projet).
Les éléments de la phase de conception:

  • Les compétences sont transformées en objectifs d’apprentissage opérationnels (performances) qui obéissent à quatre critères importants: l’univocité, le comportement observable, mesurable, évaluable, les conditions et les critères.
  • Les stratégies pédagogiques: s’agit-il d’une action (un stage) ou d’un dispositif de formation (ensemble de stages coordonnés) ? Il s’agit aussi de choisir le cadre spatiotemporel et technologique de la formation. Si la formation concerne moins de 5 personnes, la question de la conception ne se pose pas. Par contre, si le nombre de personnes dépasse les 5, deux cas de figure sont envisageables selon le tableau suivant:

Les moyens pédagogiques: (ou médias d’apprentissage) regroupent les techniques (exposé, test, brainstorming, jeu de rôle, simulation, tutorat…),
les outils et les supports (manuel, transparent, visioconférence, cours en ligne, forum, didacticiel...) associés aux situations (en présenciel, à distance, en face-à-face, en sousgroupe, en situation de travail…).

 

5 à 20 personnes

20 à 100 personnes

Plus de 100 personnes

Action de formation

1 à 5 jours

5 à 10 jours

Plus de 10 jours

Dispositive de formation

2 à 8 jours

8 à 20 jours

Plus de 20 jours

 

Troisième phase de développement
Elle concerne la construction des outils et supports de formation c’est-à-dire leur identification et/ou élaboration. Il existe deux types de développement suivant leur ampleur:

  • elle sera une phase simple si elle concerne le développement des techniques et outils habituels du formateur ; elle portera sur leur préparation ou leur révision ;
  • elle sera une phase complexe si elle concerne le développement d’outils utilisant les TICE (Techniques de l’Information et de la Communication en Education): CDROMs, logiciels, sites Web… Elle se fera en 4 opérations caractéristiques de la conduite du projet:

¤ la sélection du contenu à médiatiser ;
¤ la scénarisation des activités pédagogiques (anticiper le déroulement de la formation à animer) ;
¤ la fabrication des ressources ;
¤ le contrôle ou l’évaluation des usages des ressources.

Quatrième phase d’implantation ou de mise en oeuvre
Elle consiste à diffuser le système d’apprentissage disponible aux apprenants, à développer une procédure pour la formation des animateurs et des apprenants:

  • les animateurs de formation doivent couvrir les programmes de cours, les résultats d’apprentissage, les procédures d’essais ;
  • les apprenants doivent être préparés à l’utilisation des nouveaux outils. Cette phase se déroulera sur deux plans:
  • celui de l’animation de la communication et de la relation pédagogique (point de vue direct): modes de travail pédagogique, modalités de communication pédagogique, perspectives sur l’enseignement…
  • celui du suivi de l’action pédagogique (point de vue externe): contacts avec les intervenants, logistique, gestion courante de l’action, suivi des présences

Cinquième phase d’évaluation
Elle permet d’évaluer le dispositif pédagogique, ce qui permet de le réguler. Elle comporte deux parties: formative et sommative.
L’évaluation formative est présente dans chaque étape du processus et l’évaluation sommative est faite à la fin du processus. L’ingénierie pédagogique vise, entre autre, à l’optimisation du rapport résultat attendu/coût de la formation. Aussi, l’appréciation de la productivité pédagogique de la formation se faitelle grâce à deux sortes de facteurs:

  • les facteurs de résultat qui sont les évaluations d’une action de formation, comme les taux de participation, la satisfaction des usagers, le transfert des compétences (exploitation des acquis)…
  • les facteurs de coût qui sont les coûts de la formation, comme les coûts directs (salaires des formateurs, équipement…), de participation (déplacement, hébergement,), de structure (locaux, frais généraux, …), etc.


CONCLUSION
L’ingénierie pédagogique, comme nous le constatons bien, ne s’applique pas uniquement dans un cadre éducatif pour rendre les enseignants mieux capables d’exercer leur métier ; elle le dépasse largement pour atteindre tout public soucieux d’améliorer ses performances et atteindre le professionnalisme, toute entreprise ou institution voulant réussir et perdurer grâce à un personnel qui agit avec compétence. Aussi, l’ingénierie pédagogique s’avère-t-elle une discipline d’une utilité inestimable pour garantir la pérennité et la suprématie d’une entreprise dans un monde de fortes compétitions et de changements vertigineux.

Pour répondre à notre question de départ, nous pouvons dire que l’ingénierie pédagogique est une » nécessité luxueuse «ou» un luxe nécessaire « car elle est assez coûteuse en temps, en argent et en énergie humaine, mais ses rendements sont très importants et dépassent de loin ses coûts. Si l’ingénierie pédagogique s’impose chaque jour davantage pour faire réussir tout un chacun, quelle discipline la remplacera-t-elle dans l’avenir pour aider les gens à aller de l’avant dans le progrès et la compétitivité?

 

Exemple d’un enseignant qui agit et réussit avec compétence

Resources personnelles

 

-connaissances/saviors linguistiques, psycholinguistiques, sociolinguistiques et pédagogiques;

-connaissances organisationnelles et juridiques (legislation professionnelle, décontologie, organization d'une institution scolaire, droits et devoirs d'un enseignant, dans un établissement scolaire public/privé);

-connaissances et savoir-faire techniques (utilization des TICE-Technologies de l'information et de la Communication en Education);

-connaissances et savoir-faire méthodologiques (Enseignement des quatre competences et du code de la langue);

- savoir-faire relationnels : écoute, échange,communication avec des responsables éducatifs,des paires, des apprenants, etc.

Qualités : patience, imagination, rigueur professionnelle, ouverture d'esprit;

 

Resources externs

 

-collègues expérimentés;

-documentation théorique et technique;

-outils et techniques divers;

-guides pédagogiques;

-stages/voyages culturels et linguistiques;

-centres culturels;

-internet;

-bibliothèques/ centres d'informations;

Activités – clés

 

Organizer et animer des situations d'apprentissage

Gérer la progression des apprentissages

Concevoir et évaluer des dispositifs de différenciation

Travailler en équipe et participer à la gestion de l'école

Gérer des situations scolaires conflicutuelles

Gérer sa proper formation continue

Informer et impliquer les parents d'élèves

Se server des technologies nouvelles

Affronter les devoirs et les dilemmes de la profession

Analyzer les representations des élèves

Analyzer les erreurs des élèves`

Analyzer des manuels scolaires

 

 

Résultats obtenus

 

-un apprenant qui développe ses competences communica-tives en comprehension orale/écrite et en expression orale/écrite;

-un apprenant qui sait se comporter dans toutes sortes de situations de communica-tion à l'oral comme à l'écrit;

-un apprenant autonome et qui sait travailler en groupe;

-un apprenant qui réussit aux examens scolaires, officiels et universitaires, qui peut réussir dans des entretiens d'embauche et décrocher un emploi;

-un apprenant qui se prépare à un avenir professionnel sûr et capable d'exercer son métier dans son pays ou à l'étranger;

-un cadre professional agreeable et favorable à l'apprentissage;

-un citoyen responsible et cultivé qui participle au progrès et au développement du pays;

-une équipe professionnalisée

au courant de l'évolution du métier, motivée et fournissant un enseignement de qualité;

-un planning et une organization du travail conformes aux objectifs;

-une coordination parfaite entre les acteurs éducatifs: administrateurs, enseignants, apprenants, psychologues, parents….;

-une bonne réputation de l'institution et de son personnel;

-une satisfaction des parents d'avoir investi leur argent pour bien former leurs enfants;

-…..

 

Références bibliographiques et sitographiques

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